Dancefloors are (not) utopias

La piste de danse peut-elle devenir un espace où les corps et les regards portés sur ces derniers se libèrent des catégories de sexes ?

DANCEFLOORS ARE (NOT) UTOPIAS est une série photographique issue d’un travail de mémoire en sciences sociales mené dans deux institutions de danse contemporaine en Suisse romande. Ce projet, initialement ancré dans une démarche académique, interrogeait le potentiel subversif de la danse à ébranler l’ordre sexué, à travers l’observation de corps en mouvement.

Face à la persistance de la différenciation sexuée dans l’ordre social, je me suis interrogée sur les espaces où cette norme pouvait être troublée. La danse contemporaine, par sa mise en scène du corps et sa relative indépendance des rôles genrés traditionnels, m’a fascinée pour sa capacité à faire émerger d’autres possibles. Sur scène, elle ouvre une brèche dans un monde régi par la binarité. Ces images traduisent une impression persistante du terrain : celle d’un moment suspendu, où les corps s’émancipent des assignations sociales et genrées.

À travers un travail de post-production qui efface les détails identitaires au profit d’aplats de couleurs, les corps deviennent silhouettes, formes fluides et poreuses. Ces figures abstraites viennent brouiller les repères visuels qui nous permettent, usuellement, de classer les individus dans deux catégories imperméables. Elles forment un corps collectif, organique, en constante recomposition – une foule chorégraphiée où l’individu se dilue dans le mouvement partagé.

Mais le titre DANCEFLOORS ARE (NOT) UTOPIAS souligne aussi les limites : la scène peut être un lieu de suspension des normes, sans pour autant les abolir. L’utopie est effleurée, jamais atteinte.

Une première exposition de série a eu lieu au centre Arts et Sciences de La Grange, à Dorigny (CH). J’y ai amorcé cette sortie du champ académique, pour inscrire ces réflexions dans l’espace public et collectif du regard.

Lausanne, 2024